Représentant, en psychanalyse – particulièrement freudienne – le moyen thérapeutique par lequel le psychiatre amène le malade à se libérer de ses traumatismes affectifs refoulés, la catharsis est également, dans la vision aristotélicienne du théâtre, l'épuration des passions qui se produit par les moyens de la représentation artistique, par laquelle le spectateur se libère de ses émotions et éprouve « un allègement accompagné de plaisir ».
Arpentant les rues de Paris, Giorgos Dermentzis, fort de cet héritage de la Grèce antique, envisage le paysage urbain comme une matrice dans laquelle les femmes et les hommes évoluent dans des destinées plus ou moins parallèles, ne se croisant que trop rarement. Arrivé à Paris en 2015, il s’immerge dans l’atmosphère de la ville Lumière, en en saisissant les zones d’ombres, mais aussi, progressivement, les instants magiques qui font de Paris cette icône intemporelle. Empathique, il capte les regards, les situations incongrues, comme nul autre observateur.
Les personnages de ces scènes de vie sont le miroir de l’âme du photographe. Car ce n’est pas à travers le viseur que Giorgos Dermentzis appréhende l’instant; son appareil – petit et discret afin de garantir l’invisibilité – est bel et bien le prolongement de l’artiste, qui déclenche la photographie avec « son cœur et son esprit » - Arnold Newman -. Ainsi, à l’image des théories de McLuhan, le medium est le message. Nul besoin de commentaire, de mise en scène, le tirage en lui-même provoque les émotions, allant de la sympathie au rejet en passant par l’attendrissement ou la fascination.
A première vue sombre, semblant illustrer un spleen baudelairien contemporain, ce travail – entre portrait et photographie documentaire – prend la forme d’une thérapie par l’image. La perte de repères de l’exilé hellène se retrouve dans ses premiers clichés reflétant des âmes solitaires, que la vie urbaine a façonnées voire brisées. S’en suivent des « gueules cassées » et des « monstres sublimes » qui ancrent la ville dans le pittoresque. Puis, ce processus cathartique permet au photographe de s’approprier des instants cocasses qui redonnent à Paris son indéfinissable charme.
En deux ans seulement, le travail de Giorgos Dermentzis évoque déjà de grands noms, tels Diane Arbus mais surtout Vivian Maier, dont la découverte de l’œuvre a été une révélation pour l’artiste. Frappé de plein fouet par la crise grecque, il n’en est pas pour autant misérabiliste, et cherche en chacun cette lueur qui semble montrer que le passé a laissé ses traces mais que le pire est derrière. La galerie propose, à travers Catharsis, de suivre l’irrésistible montée en puissance d’un magicien de l’instant présent.