Dans cette troisième exposition en collaboration avec la galerie, Just Cage semble avoir définitivement pris le parti de l’action[1]. Son analyse picturale de la société du « monde d’après » est de plus en plus directe. Pas de faux semblant, l’artiste va droit au but, et ce principe se décline dans tout son travail : de la rigueur et de l’engagement, tant intellectuels que dans la réalisation des œuvres (toiles, techniques mixtes en volume), et une conviction : la révolution est une nécessité.
Connaissant l’inclination de l’artiste à s’inscrire comme scribe de la contemporanéité, il semble assez intuitif de penser que le titre de cette exposition annonce une double lecture : la suprématie américaine et un questionnement sur le ruissellement. Si la domination américaine est de plus en plus questionnable, la suprématie de langue de Shakespeare - ou de celle de Britney Spears – dans notre start-up nation, l’est beaucoup moins. Quant au ruissellement, l’artiste bat en brèche les différentes approches de cette théorie économique[2]. Just Cage qui, précédemment, abordait les grands enjeux humains par le truchement de l’art, resserre cette fois-ci l’étau sur une vision beaucoup plus économique et systémique.
Ainsi, dans cette exposition s’opposent deux constructions :
- l’une très douce, empreinte de poésie et d’harmonie dans les variations de couleurs et un mouvement très naturel du haut vers le bas,
- et l’autre, beaucoup plus dure et tranchée, avec des amas hypertrophiés de matière au développement presque erratique, venant symboliser la différence entre la théorie et sa mise à l’épreuve de la réalité.
Encore une fois, pour Just Cage, l’art est à la fois
canal d’expression et de réflexion, et même de propagande. L’artiste trublion utilise l’art avec
une feinte légèreté, mais non moins de sensibilité et de panache, pour exprimer
une idéologie. En regardant de plus près, la ligne droite, qui représente à la
fois une cassure (Art is broken again) et une forme de révolution (Art is Punk),
semble être le moyen de revenir avec une harmonie des forces en puissance et un
idéal apaisé (Art is horizon).
En cette période de remise en
question d’un système que certains considèrent comme dépassé, obsolète voire
moribond, l’explosion de couleurs qu’offre cette exposition invite à une
interrogation bien plus douce par la peinture que des débats de plus en plus
polarisés, et trop
[1] Référence à « Ou bien… ou bien » de Søren Kierkegaard et l’opposition entre éthique (la construction personnelle) et esthétique (l’inaction)
[2] Théorie du ruissellement : théorie économique selon laquelle l’Etat doit permettre l’enrichissement des personnes les plus riches afin que celles-ci réinjectent dans le système économique les revenus engrangés.