Motion Poursuit #004 : The Link
Curation et texte de Clotilde Scordia
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The Link, première exposition de Vaultman en France, se veut une réflexion sur le lien qui unit l’Homme à son environnement physique et métaphysique. Ce lien entre le Temps et l’Espace est au centre des recherches de l’artiste depuis plusieurs années. De formation scientifique il est titulaire d’un doctorat en médecine vétérinaire et d’un diplôme en ostéopathie – Vaultman est aussi un artiste qui recourt à la peinture pour questionner différemment, avec d’autres outils, les interactions entre science, nature et humanité. La création artistique revendique une liberté ouverte sur un imaginaire que l’artiste se plaît à exploiter, questionner par ce médium ce qui nous entoure et la façon avec laquelle nous interagissons en tant qu’êtres humains dotés de sensibilité et de réflexion. Philosophes et artistes se sont toujours interrogés à travers les siècles sur le rapport que l’Homme entretient avec le monde et avec l’espace. Comment retranscrire ce qui est invisible et fugace ? Quelle est la place de l’Homme sur Terre ? Une « intuition de l’instant », pour reprendre les termes de Gaston Bachelard, s’éprouve mais est difficilement définissable voire acceptable.
Vaultman articule sa démarche plastique autour de quatre notions fondatrices de son travail : énergie, réaction, contexture et lien. Cette dernière notion est le titre de l’exposition car elle s’impose comme courroie de transmission avec les trois autres. L’artiste insiste également sur la symbolique du lien entre les hommes, qui fait aujourd’hui « cruellement défaut à nos sociétés ». Retrouver ce lien qui nous unit apparaît alors comme une nécessité. Bien qu’elle soit indéfectible, notre condition humaine nous unit, mais nous ne savons pas toujours la voir. Difficulté de l’être à voir (avoir). Universel, visible ou invisible, le lien est le point commun entre les Hommes mais aussi dans les oeuvres de l’artiste qui sont toutes conçues selon le même procédé. Toile libre monumentale posée au sol, sans châssis, couleurs et encres posées à proximité, l’artiste initie une chorégraphie plastique qui répond à un ordonnancement bien précis et une rigueur mathématique. La captation en time-lapse de sa geste picturale se fait par une caméra fixée au plafond à la perpendiculaire de son support. Y verrait-on une tentative de fixer ce qui nous échappe ? On découvre la façon dont l’artiste se meut sur la toile, la travaille. Faisant appel tantôt à son intuition, tantôt à un raisonnement, Vaultman travaille par différentes strates successives qui voient éclore un sentiment de sérendipité à l’achèvement de la toile.
Les outils qu’emploie l’artiste, et qu’il crée lui-même, ne sont pas ceux du peintre traditionnel de chevalet : racloirs, peignes de feutres, lames de rasoir, pinceaux modulables… Dans sa volonté d’être totalement maître de sa technique et de son procédé, Vaultman vit, dans son acte créateur, une expérience du temps et de l’espace. Désacralisation même du support puisque l’artiste, pieds nus, marche sur la toile à terre pour construire sa composition. La toile monumentale ou les différentes toiles de formats plus modestes qui finissent par s’assembler sont conçues dans un « tout » qui s’attache au détail. Certaines oeuvres se composent de multiples parties qui, lorsqu’elles sont assemblées in fine, constituent l’ oeuvre totale. Mais l’on ne peut comprendre le procédé plastique que si l’on garde en mémoire ces notions déjà énoncées d’énergie-réaction-contexture-lien.
Les formes éclatées sont reconstruites à partir d’un réseau linéaire sans aucune relation avec le réel. L’intuition de Vaultman prime. Cet éclatement permet de reconstituer, tout au long de la réalisation de l’oeuvre, une harmonie grâce aux couleurs choisies par l’artiste. À la manière des artistes du groupe Die Blaue Reiter qui abandonnèrent le réalisme formel pour l’indépendance des formes et des couleurs. Franz Marc, l’un des fondateurs du groupe en 1911 parle ainsi « d’impulsions intérieures dans toutes les formes qui provoquent une réaction intime chez le spectateur. » Cette part primordiale donnée au « spirituel dans l’art » permet à Vaultman d’étayer la théorie de Kandinsky pour qui chaque forme a sa propre résonnance intérieure. Intéressé par la théorie de la complexité développée par Edgar Morin, Vaultman travaille chaque nouvelle oeuvre comme une lutte entre éléments contraires et similaires a priori. Ce leurre vole en éclat lorsque la toile est achevée et dévoilée aux yeux du spectateur.
Parfois, Vaultman convoque des danseurs pour l’accompagner lors de la création d’une toile. Danseurs et artiste évoluent ensemble en pleine osmose sur l’oeuvre en train d’être créée. Création d’art total liant durant un espace-temps, le mouvement, le corps et l’esprit, la peinture et la musique.
L’oeuvre TIME (2020, 450 x 700 cm) qui propose diverses configurations possibles est composée de 8 feuilles peintes indépendamment les unes des autres mais conçues en fonction de la suivante. Une chronologie du temps dans l’espace qui débute par une mise à plat des volumes sur le support, un éclatement des formes comme une ouverture sur les mystères de la vie et enfin leur reconstruction selon une composition dynamique dans l’espace-temps symbolisé par le passage des feuilles successives. L’oeuvre est UNE mais aussi AUTRE autant de fois qu’il existe de combinaisons possibles en fonction de la disposition des feuilles qui se meuvent dextrorsum. Les éléments de la composition sont orchestrés pour une perspective dont les lignes créent la profondeur.
The Link se veut une oeuvre totale, les peintures et les vidéos interagissent avec le spectateur qui découvre l’exposition à travers son expérience humaine. Le regard et les sens sont sollicités dans une dynamique espace-temps-mouvement.